Plusieurs jeunes s’adonnent de plus en plus à la consommation de la shisha dans plusieurs lieux publics de la ville de Ouagadougou. Malheureusement ils sont nombreux à ignorer les conséquences de ce produit sur leur santé. Pour en savoir sur la consommation de la shisha et ses conséquences, nous avons rencontré le 05 février 2019 à Ouagadougou, Dr Georges OUEDRAOGO, pneumologue, coordonnateur de l’Unité de sevrage tabagique au Centre hospitalier universitaire (CHU) Yalgado OUEDRAOGO.
Qu’est-ce que la shisha ?
La shisha est une pipe à eau qui est un autre mode de fumer du tabac. C’était un mode de consommation assez répandu au moyen orient, c ‘’est pourquoi vous aller entendre parler de nagui shisha. C’est cette fumée qui va passer au niveau de l’eau que et la personne va inhaler une fumée en quelque sorte refroidit. C’est un mode de consommation de plus en plus fréquent en Afrique au Sud du Sahara et qui touche beaucoup plus les jeunes.
De quoi est composée la shisha ?
La composition est variée et dépend du consommateur. A l’origine, c’était un mélange de l’eau et du charbon et on mettait des feuilles de tabac. Maintenant les gens ont diversifié ; il y en a qui mettent les feuilles d’orangers et d’autres des parfums pour donner un parfum particulier, le plus souvent pour pouvoir masquer le tabac.
De nombreuses personnes notamment les jeunes s’adonnent à la consommation de cette substance. Encourent-ils un danger ?
Malheureusement ils encourent des dangers. L’ignorance fait que les gens pensent que ce n’est pas du tout nocif alors c’est assez nocif de consommer de la shisha. Et surtout quand il y a les feuilles de tabac qui y sont. Pour fumer une shisha entière pour ceux qui tirent rapidement c’est 30 minutes à 60 minutes.
Chaque bouffée de chicha tirée correspond à au moins une cigarette entière fumée. Ce qui fait qu’au totale, vous allez avoir une quantité plus grande de nicotine de goudron, d’autres substances contenu dans la cigarette ordinaire comme le monoxyde de carbone. On va en retrouver 15 fois voire 35 fois plus dans la consommation de shisha. Les gens s’exposent à des dangers en fumant les feuilles de tabac, si vous y associé de l’herbe de type cannabis, vous voyez encore d’autres types de dangers auxquels les personnes s’exposent.
Mais souvent par ignorance ou pour découvrir les choses qu’on voit pour la première fois, les jeunes ont tendance à vouloir commencer à fumer. Comme il y a ce parfum de fruits qui est associé, il y a la tentation qui est très forte mais il s’expose à des dangers.
Aujourd’hui la shisha est-elle mortelle ?
La shisha tue comme la cigarette tue. Le tabagisme entraine plus de décès et c’est la première cause de mortalité évitable au monde. Fumer la shisha, c’est du tabagisme, on peut donc affirmer que la shisha tue si on ne prend pas garde.
La cigarette et l’alcool par exemple créent une dépendance chez le consommateur. La shisha en fait elle autant ?
La shisha crée la dépendance et c’est une question de sujet. Il faut faire attention pour ne pas se comparer à quelqu’un parce que chacun est unique et notre manière de réagir devant les facteurs est différente. La dépendance peut être plus rapide et plus précoce chez certains et plus tardive chez d’autres.
Le consommateur de la shisha représente-il un danger pour son entourage ?
Tout à fait. C’est une fumée refroidit qui va passer au niveau de l’eau et malheureusement lorsque la fumée passe au niveau de l’eau cela renforce la composition en monoxyde de carbone. Quand le fumeur de shisha va inhaler il va rejeter sa fumée et ceux qui sont autour aussi seront plus ou moins exposés.
Existe-t-il des moyens et prise en charge des consommateurs ?
Il faut interpeller le consommateur. Si vous n’êtes pas encore dépendants et que vous pouvez tirer aujourd’hui et attendre une semaine avant de prendre certainement vous n’êtes pas dépendants donc ne continuez pas. Pour ceux qui ont commencé à gouter, même si c’est bon ne prenez gout pas, vous allez entrer dans un cercle vicieux. Si vous ne pouvez pas vous en passer il y a des moyens pour aider ceux qui sont dépendants par exemple notre unité est là. Nous nous sommes rendus compte qu’il y a plus d’un quart des jeunes qui consomment la shisha ici pour ceux que nous recevons parmi ceux qui sont âgés de moins de vingt ans plus de 25% consomment déjà la shisha. La prise en charge existe, elle est adaptée à chacun et est individuelle ; chaque individu a sa prise en charge particulière.
Qu’en est-il du cout de la prise en charge ?
La santé n’a pas de prix, déjà consommer la shisha est couteux. Elle coute au moins 4000 frs CFA. Je ne dirai pas que c’est couteux vu le bénéfice qu’on a d’être délivré de la consommation, c’est avoir un appareil respiratoire qui fonctionne, avoir un cœur et les vaisseaux sanguins qui fonctionnent bien, je crois qu’il n’y a pas de prix pour cela. Tout dépend du degré de dépendance.
Si vous n’avez pas des maladies liées à la consommation de la shisha ce sera moins cher mais si vous avez des problèmes cardiaques cela va être un peu plus cher. Il y a un coup mais je crois que le coup en vaut la peine pour ceux qui veulent être aidés à être délivrés.
Quels conseils et messages avez-vous pour les jeunes consommateurs et non consommateurs de la shisha ?
C’est surtout dire aux gens de ne pas tomber à la tentation de ce qui est nouveau. Pour ceux qui n’ont jamais fumé la shisha, n’essayez pas, ne tentez pas de gouter. Ce n’est pas utile. Il faut éviter de faire comme les autres et d’affirmer sa personnalité pour ne pas succomber aux pressions du milieu mais résister à cette influence. Il n’est jamais tard pour quitter cet esclavage. On a un plaisir qu’on recherche mais un plaisir qui aura un arrière-gout amer peut être que c’est bon à l’instant ou on consomme mais quelques années plus tard il y aura des conséquences sur l’organisme entier.
Tant qu’on peut éviter cela on doit le faire parce que rien ne sert de venir pour des problèmes de poumons, de vaisseaux sanguins et des problèmes cardiaques et respiratoires alors qu’on pouvait les éviter. C’est bon d’abandonner la consommation de la shisha. A ceux qui ont des difficultés pour abandonner, ils peuvent venir à l’Unité de sevrage tabagique de l’hôpital Yalgado Ouedraogo afin que nous les aidions.
Rose J. OUEDRAOGO